Les Chants De Nihil
Le Tyran et l'Esthète



1. Ouverture


2. Entropie des conquêtes éphémères

Nous pensions acquise et gravée dans le marbre,
Le prix du sacrifice et un trésor fertile,
La victoire si chère et pourtant si fragile.
Mais rêvant dans les cieux, allongés sous les arbres,
Nous, conquérants d'hier, contemplatifs séniles,
Détournâmes les yeux sans penser au péril.

Dans le cœur de chacun sommeillait l'adversaire.
Loin des pures passions et des glorieux satyres
Y subsistait un creux où croissait le désir.
Il surgit des rougeurs d'un matin ordinaire :
Hybris, fils de l'ennui, destructeur des empires,
En chef des philistins, des égos le vampire.

L'un de nos citoyens mais d'une autre substance,
Femmes, hommes, enfants, de mensonge en promesse,
Il les mit au travail pour sa propre richesse.
Sous le joug corrupteur de l'âpre concurrence
Nous voyions chavirer nos amants, nos maîtresses.
Aussi tînmes conseil en notre forteresse.

Sur un char chatoyant l'enfant-reine apparut,
Son nébuleux vortex de fauves rédempteurs
Crevant l'espace-temps, vaporisant nos pleurs.
Comme à l'épique époque aux échos disparus,
Devant notre assemblée, Iris, dans sa splendeur,
Demanda qu'on amène en ces murs l'imposteur.


3. Ma doctrine, ta vanité

Ciel ! Il me paraît que s'annonce
La génération qui bourgeonne,
Pareille au vent de la semonce
Avant l'orage des hormones.
Elle a ratissé la cité
Pour en extraire des enfers
L’injustement plébiscité
Marchand de mort, roi des affaires.
Voilà ce corps de la Jeunesse
Traînant le captif à ses pieds,
Docile, comme un chien en laisse
De pitance et d'orgueil gonflé.

– Enfin je puis me délecter
Des certitudes chancelantes :
Du festin de vos yeux qui mentent,
De vos sourires paniqués !

– Toi, beau parleur, à serpenter
Dans les abysses de la loi,
Ouvres les caisses que nettoient
Par tous les fonds tes grandgousiers !

– Tous les trésors de vos cités,
Vos idoles seront à vendre.
Temples et reliques bradés
Et le reste... réduit en cendres !

– Toi, dans la vase assermenté
Par la pieuvre de l'avarice,
Par la finance intronisé,
S'effondre ici ton édifice !

Mais ! Le ciel est comme à l'aurore,
Nos ombres dansent, semblent fondre
Dans un air âcre, épais et sombre...
Les flammes font rage au dehors !
La douleur chante dans nos rues
Quand s'est soustrait le prévenu
À mon armée, dans la débâcle.
Il me faut consulter l'Oracle.


4. L'adoration de la Terre

Les os percent la peau et le Printemps : Gaïa,
Accouchant de la neige animaux et chimères.
Errant, je me souviens : ici de mille guerres
Le sang a abreuvé la steppe et la taïga.

Le sucre des sommets léché par Boréa,
La cime mise à nu de tous les conifères,
Rappellent à nouveau des rondes printanières
De nymphes distillant lymphes et placentas.

Moi, ivre de fraîcheur, qui allonge le pas
Pour pénétrer le cœur, bastion de l'Hiver,
De ce sacre augural aux parfums prépubères,
Danse pour mon oracle à l'aube du trépas.


5. Danse des mort-nés

Entendez notre chant, esprits de la rancœur,
Fœtus inopportuns, larves non abouties,
Asphyxiés, cabossés, tas de chair rabougrie,
Bouillasse d'hôpital, jus dans l'aspirateur.
Toi aussi, le mort-né, le siamois mal loti,
Apprenez qu'il existe un bien plus grand malheur :

Naître déjà vendu, encor plus mal acquis,
Apatride, émigré, orphelines gamètes,
De la bourse chétive au bébé-éprouvette
Fermenté en un corps dans un vague pays.
La mort règne en ce monde et puisque tout s'achète,
Contrairement à nous, vos vies avaient un prix !

Çà et là, rejetons en manque d'innocence,
Entendez notre chant ! Jaillissez de la terre !
Aux amours avortées par la faim et la guerre,
Aux amants décharnés qui rejoignent la danse
Des fossés de l'Histoire, anonyme tanière
De la Bête en sommeil : l'heure est à la vengeance !

Armée de nerfs et d'os tressés comme des lianes
Et injectée de glaise à travers l'ombilic,
Homoncules lissés d'acide tellurique,
Troupe qui se délite, éphémères arcanes...
Ha ! Debout, tas de boue ! Allons jouer de nos triques
Pour imprimer nos noms sur les culs et les crânes !


6. Le tyran et l'esthète

Plaie de plèbe ! Affreux flot ! Chère chair à rien faire !
Que connus dressée en cent légions mortifères,
Souviens-toi nos exploits, nos chevauchées sans fin,
Dans l'orgie sublimées du soir jusqu'au matin !

D'entre vous les plus vieux et tous ceux, toutes celles
Qui jadis portaient haut nos couleurs, se rappellent
Les peines endurées à bâtir cette école
Qui fit de chaque larve une noble luciole.

Et la beauté des corps exaltée pour ne voir
Que dans l'homme ou la femme une idole d'ivoire.
De cette belle armée – soldats de tous les âges,
Vainqueurs sur tous les fronts – entrez dans le sillage !

Aux autres qui jamais n'ont goûté la morsure
De la guerre et la rêvent comme une aventure,
Héritiers de la Paix, ingrats dès le berceau,
Si la poudre a manqué vous en aurez tantôt !

– Sous tes soleils glorieux ont séché mes sanglots,
A brillé ma sueur teintant d'or cette peau.
De mon être envoûté tu bandais chaque fibre.
Aujourd'hui, il est vrai, suis médiocre mais libre !

– Goutte dans une eau pure où se baignent les dieux
Ou reflet de Narcisse, ici, faites vos jeux.
Embrassez le destin parés comme des Dames.
Ce soir, c'est le grand bal des flèches et des lames !


7. Ode aux résignés

D'une nuit longue ils se réveillent,
à quatre branches suspendus,
Et on ne les reconnaît plus :
Nos doigts, nos griffes, nos orteils.

Nos vieilles mains pleines de plis
Plus bonnes qu'à lever les verres.
Notre front, brûlé par l'Hiver,
Se rêvant de lauriers serti.

Et ce tronc dont l'écorce épaisse
Étreint, pétrifié de sagesse,
Un cœur qui ne veut plus se battre.

Craque dans un ultime cri
Pour se gorger de la colère,
Ce puits qui jamais ne tarit.


8. Lubie hystérie

Ma nuée, mon essaim, dard au soleil !
Tend l'épée, crève le sein et délaye
Sur l'enfant, cramponné à pleines dents
Dans sa mère, un lait allongé de sang.

Que ton glaive cruel rende céans
Comme un glaire de chair, lequel se fraye
Un chemin entre les doigts et orteils
De ceux qui nagent en ce charnier béant !

Voyez monter dans les vapeurs vermeilles
Ces esquilles aux étoiles pareilles !
Il est un cycle infernal dans le temps :
Lubie, hystérie, retour au néant.

J'ai rêvé, j'ai crée, j'ai décroché
Cette ultime victoire sur moi-même,
à son égale hauteur décoché
La flèche crevant leur être suprême !

Et l'orgueil qui les meut prend tout son sens
Quand à leurs câbles d'acier se balancent,
Comme l'épeire en sa toile d'argent,
Les faiseurs de ces faubourgs de ciment.

Bastion de béton, ô Saint des Saints
Du marché de Satan, draine tes ouailles !
Quand seras repu à pleines entrailles,
D'une couronne de feu seras ceint !


9. Sabordage du songeur - Final

L'avenue de ma vie s'étend, pavée de tombes.
Cette anguille alanguie de Lune illuminée,
Monstre de contorsion qui d'un lointain passé
Serpente sans fin de gloire en hécatombe.

Volupté de l'orage !
Monde qui fait naufrage !
Depuis la nuit des temps notre place attendait
Par-delà le ravin, au céleste banquet.
Camarades, pour nous la mort vient à la nage !
– Ainsi nous resterons victorieux à jamais.



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