Alcest
Le Secret
1. Le Secret
Parfois, les arbres ébauchent un curieux ballet,
Imitent mon petit corps beree par le vent,
Et le lierre murmure des mots familiers,
Pose sur la vie un regard d'enfant
Pur humer les suaves parfums exhalés
D'un jardin dont jadis tu empris le secret,
Chanterent alors les rieuses filles diaphanes
De la riviere scintillane et nacrée
[English translation by J. R. Hunyar:]
Sometimes, the trees sketch a curious ballet,
Imitate my small body cradled by the wind,
And the ivy murmurs familiar words,
Bears on life a look of pure child
to smell the sweet exhaled perfumes
Of a garden of which you adored the secret,
Sing then the cheerful hazy girls
Of the river glistening and made pearly
2. Elévation
Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins;
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes!
[Charles Baudelaire]
[English translation by William Aggeler:]
Above the lakes, above the vales,
The mountains and the woods, the clouds, the seas,
Beyond the sun, beyond the ether,
Beyond the confines of the starry spheres,
My soul, you move with ease,
And like a strong swimmer in rapture in the wave
You wing your way blithely through boundless space
With virile joy unspeakable.
Fly far, far away from this baneful miasma
And purify yourself in the celestial air,
Drink the ethereal fire of those limpid regions
As you would the purest of heavenly nectars.
Beyond the vast sorrows and all the vexations
That weigh upon our lives and obscure our vision,
Happy is he who can with his vigorous wing
Soar up towards those fields luminous and serene,
He whose thoughts, like skylarks,
Toward the morning sky take flight
— Who hovers over life and understands with ease
The language of flowers and silent things!
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